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Marc Mohsin : Portrait d’un entrepreneur de la génération Y

Rue de Vaugirard, Paris VIème. Mon trépied installé, je commence à prendre quelques clichés de la devanture impeccablement blanche de la boutique “à la droguerie”, contrastant avec un nom et un logo très colorés.

Marc Mohsin, jeune parisien souriant à la barbe généreuse, probablement piqué par l’effet Hipster qui a gagné tout le pays (faut quand même avouer que c’est plutôt cool), vient à ma rencontre. Après un rapide tour de boutique et deux-trois échanges avec quelques passants curieux, on se dirige vers le café du coin pour commencer l’interview. Le moins que l’on puisse dire, c’est que du haut de ses 28 ans, Marc Mohsin a déjà beaucoup de choses à me raconter sur son parcours d’entrepreneur…


“Tout le monde ne rêve que d’une chose : être au contrôle de soi-même, de son entreprise, sans que personne ne puisse vous donner d’ordres.”

A la recherche d’ascension sociale

Comme la plupart des jeunes dans la même situation que lui, Marc ne trouvait pas, à l’époque, le métier de ses parents très valorisant. Une reprise de l’affaire familiale était donc inimaginable pour lui. Heureux propriétaires d’une droguerie-quincaillerie dans le XVème arrondissement de Paris, ses parents ne l’ont pourtant jamais poussé à prendre le relais en venant tenir la caisse enregistreuse de la boutique, mais plutôt encouragé à suivre sa propre voie.

Et dès son plus jeune âge, ce qu’il voulait avant tout c’était gravir les échelons le plus rapidement possible. C’est la raison pour laquelle il a préféré se diriger vers des études de Physique et de Mathématiques. Celui qui voulait un parcours totalement différent de ses parents était donc bien parti. Il clôture ses études avec un diplôme de Master en Finances de Marché, à Panthéon Sorbonne.

Et puis, c’est simplement en grandissant, à travers plusieurs expériences et rencontres, qu’il comprend l’intérêt de devenir indépendant professionnellement. Autour de lui, il observe des amis plus âgés, en poste depuis deux ou trois années seulement et qui pourtant commencent déjà à s’ennuyer, et parfois même à rencontrer quelques difficultés avec leur hiérarchie.

Ces premiers retours, généralement négatifs, du monde professionnel en entreprise, l’ont conduit à une vraie réflexion sur ce qu’il devait, mais surtout ce qu’il voulait faire de sa vie.

“Connecting the dots”

Et pour trouver ce que l’on veut faire de sa vie, Marc estime que l’on doit avoir conscience de ce que l’on a déjà vécu et d’en tirer profit. Connaître son passé pour enrichir son futur, tant sur le plan personnel que professionnel, telle est sa conception de la vie.

Chaque entrepreneur a son déclic : un voyage, une rencontre, un livre, un discours. Et son déclic à lui, qu’il en ait conscience ou pas, c’est probablement le discours d’ouverture de Steve Jobs à la remise des diplômes de l’université de Stanford, en 2005. Un discours sur la vie, sur la mort, mais surtout sur l’importance des échecs pour pouvoir mieux rebondir.

Steve Jobs y évoque également le jour où il a décidé de prendre un cours de calligraphie, cours improbable quand on connaît le parcours de Monsieur Apple. Et pourtant, dix ans plus tard il créait le premier Macintosh et y intégrait plusieurs typographies. Il dit à ce propos : “Si je n’avais pas pris ces leçons à l’université, le Mac n’aurait jamais eu plusieurs typographies ou des polices aux caractères proportionnellement espacés.“


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Ce discours est devenu le leitmotiv de Marc. Au cours de notre vie, ce sont toutes ces expériences, qu’elles nous paraissent incroyables ou insignifiantes, que l’on décide de stocker (et non d’oublier), qui font ce que nous sommes aujourd’hui. Pouvoir faire le lien avec quelque chose que l’on a déjà vécu, pourvoir “connecter les points” entre eux, et s’en resservir des mois, voire des années plus tard. Voilà le credo de Marc pour réussir.

Le syndrome de l’Inde

C’est presque devenu une étape incontournable pour tout entrepreneur que de voyager pour ouvrir son esprit, pour connaître d’autres cultures, d’autres façons de vivre. A travers ses voyages, Marc a finalement compris qu’il n’était pas le centre du monde et que tout ne lui était pas dû. Chose parfois difficile à admettre pour une jeune personne élevée dans une famille aisée.

Né lors d’un voyage de ses parents à Madagascar, d’origine indienne et ayant de la famille dans plusieurs pays, Marc avait déjà le voyage dans le sang. Ce n’est pourtant qu’à la fin de ses études qu’il en a réellement pris conscience, et qu’il a pu en tirer tout le bénéfice.

Lors de son voyage en Inde, par exemple, il se rend rapidement compte de la misère qui touche le pays, notamment à travers les jeunes de son âge qui vivent dans la rue. Il ne supportera pas ce fossé entre lui et ces jeunes indiens, et encore moins la pauvreté extrême qu’ils doivent quotidiennement subir. Ce voyage a été une réelle remise en question pour lui, et même s’il a été atteint du syndrome de l’Inde, Marc a tiré beaucoup de positif de ce voyage. Tout comme les suivants.

Le voyage en Chine, à la toute fin de ses études en 2012, a quant à lui été le révélateur de son envie d’entreprendre. La visite de ses mentors, installés au pays du soleil levant, s’est rapidement transformée en un tour du pays. Rejoint par son père, Marc se rend compte de l’avance de la Chine sur l’Europe, malgré tous les préjugés que l’on peut entendre.

C’est finalement grâce à ce voyage et en discutant longuement avec son père, qu’il a saisi le véritable potentiel du commerce de ses parents, et qu’il a voulu s’y intéresser de près. Associer le métier de ses parents à son goût pour le haut-de-gamme et le merchandising, Marc a rapidement eu des idées pleins la tête dès son retour à Paris


“On ne fait pas un métier pour l’appât du gain. Il faut réellement aimer ce que l’on fait, sinon ça ne marchera jamais.”

Une affaire de famille

L’histoire de l’affaire familiale des Mohsin débute rue des Morillons en 1989, par l’ouverture de la droguerie-quincallerie des parents de Marc. Vivant dans l’appartement juste au dessus du commerce, Marc a été bercé par cet univers toute son enfance. Dix ans plus tard, à force de travail et de persévérance, une seconde boutique voit le jour dans le XIVème arrondissement de Paris.

Mais revenons au voyage en Chine de Marc et à son envie de révéler le potentiel des magasins de ses parents. A son retour, il décide de passer beaucoup de temps dans la boutique du XIVème, afin de mieux la connaître professionnellement. Et chaque jour il en perçoit toute sa puissance et tout son potentiel.


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Malheureusement, quelques mois plus tard, le chiffre d’affaires subit une perte de 30%, à la suite de l’ouverture d’un magasin de chaîne de bricolage dans la même rue. Tous en avaient conscience : on ne peut pas se relever d’une telle baisse. Deux solutions s’offraient alors à eux : vendre la boutique pour se consacrer à autre chose, ou tenter un ultime coup de poker avec les dernières économies.

Vous vous en doutez, l’option 2 a été retenue. Et qu’à cela ne tienne, Marc et ses parents engagent de gros travaux, avec une fermeture de 15 jours du magasin. Mais il en est persuadé, c’est le bon choix.

Deux ans après, Marc ne sait toujours pas pourquoi ses parents lui ont fait confiance. Mais la créativité et le travail de ce jeune entrepreneur ont payé, puisqu’après un changement total de stratégie et la recherche de nouveaux fournisseurs hauts-de-gamme (a priori inaccessibles), le chiffre d’affaires est rapidement remonté pour atteindre un niveau jamais égalé.

Marc a eu une vision assez claire de ce qu’il voulait faire de ce nouveau commerce : le dépoussiérer en misant sur un concept store où le visuel domine. Il décide de réduire énormément la quantité de produits pour ne proposer qu’une sélection (irréprochable) d’articles.

Sa seule contrainte était de garder l’ancienne clientèle du magasin, tout en en visant une nouvelle : la femme de 35-55 ans, avec un bon pouvoir d’achat. “Comment as-tu réussi à conserver tes anciens clients puisque ni les produits, ni les prix étaient les mêmes ?”, lui ai-je demandé. Il a tout simplement pris le temps d’expliquer à ses clients que le rapport qualité/prix s’était nettement amélioré. D’un côté, les produits ont plus que gagné en qualité, et d’un autre les prix des nouveaux produits ont été beaucoup mieux négociés. En fait, Marc propose une meilleure gamme à de meilleurs prix. Et ça, ses clients l’ont très bien compris !


“Quand on a foi en soi, qu’on est persuadé que ça marchera, ça marchera. Parce qu’on aime ce que l’on fait et qu’on se donnera les moyens pour y arriver.”

Son aventure entrepreneuriale

Fin 2013, Marc est définitivement lancé dans l’aventure entrepreneuriale avec la reprise du commerce de ses parents. Il ne faut que peu de temps à ce jeune entrepreneur pour trouver un nouveau local, en flânant dans les rues parisiennes.


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Il ouvrira rapidement un troisième magasin. Le nom ? Facile, il n’est pas allé le chercher très loin, puisque c’est celui du premier magasin de ses parents : “A la droguerie”. A l’époque de l’ouverture du commerce, le référencement était alphabétique (minitel & annuaire). Au lieu de le nommer : ”Droguerie Mohsin”, comme il était convenu de le faire, ses parents ont choisi d’être parfaitement référencés.

Il continue de s’entourer de ses proches, aux compétences diverses, notamment pour l’aider à créer une véritable identité au concept-store. Tous auront un rôle indispensable dans l’évolution du projet : ses parents sont experts dans ce commerce, sa soeur est avocate au barreau de Paris, et sa compagne, Camille, est ingénieur diplômé en environnement à l’Université de Berkeley, avec une spécialisation Entrepreneuriat & Communication.

D’ailleurs, lorsque Marc se chargeait des travaux et de la réouverture de la boutique du XIVème, Camille choisissait de présenter “à la droguerie” comme projet de fin d’études, aux jurés américains. Elle a su s’approprier le projet à la perfection puisqu’elle récolte la meilleure note de sa promotion. C’est d’autant plus gratifiant lorsqu’on sait qu’aux Etats-Unis, la vision que l’on a des entrepreneurs est celle de monter sa start-up, et non un concept-store dans le soin de l’habitat.

Camille a non seulement su apporter sa patte éco-responsable à la sélection des articles des boutiques, mais aussi un contact plus doux et plus qualitatif avec les clients.


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Le plus gros challenge de Marc n’était pas tant porté sur l’aspect administratif ou financier. Le vrai challenge pour lui a été de lâcher un plan de carrière programmé et sécurisé, pour une aventure risquée sans certitude d’aboutir. C’est toujours un choix difficile à faire pour un entrepreneur, d’autant plus lorsque l’on voit ses amis en pleine ascension sociale. Ascension qu’il a toujours recherchée, depuis son enfance.

Néanmoins, Marc a toujours gardé en tête qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer si l’on sait où on va, mais surtout si on aime ce qu’on fait. Il y aura bien entendu des sacrifices à faire, comme restreindre son cercle social ou encore prétendre à moins de moments à soi.

Aujourd’hui sa vision du statut social a bien évolué, et n’est plus cantonnée à l’appât du gain. Sa volonté est à présent de faire grandir son commerce afin d’en dupliquer le concept, tant au niveau national qu’international.

Marc est à présent en pleine réflexion sur la toute première boutique de ses parents, celle de son enfance. En légère perte de chiffre d’affaires, il se demande s’il n’appliquerait pas le même concept que dans les boutiques du XIVème et rue Vaugirard. Ou bien, doit-il la laisser comme telle afin de se rappeler d’où ils sont partis et de conserver leur histoire ? D’autant que la plupart des clients sont attachés à cette histoire et à cette boutique traditionnelle. L’idéal pour notre entrepreneur, serait de garder les plans du concept store, tout en gardant l’âme traditionnelle de la boutique rue des Morillons.


“Je ne vois pas en quoi un homme pourrait mieux entreprendre qu’une femme. Si je ne m’étais pas entouré de femmes, avec ma mère, ma soeur et ma copine, je ne serais pas où j’en suis aujourd’hui, et aurais certainement fait les choses autrement”.

Note aux entrepreneurs

Ce qui est toujours étonnant dans les interviews, c’est cette nouvelle rencontre planifiée avec une ou un inconnu, tout en sachant que dans l’heure suivante je connaîtrai infailliblement une bonne partie de sa vie. Ce sont constamment des rencontres source d’inspiration autant pour moi que pour l’entrepreneur, je crois, qui a parfois peu l’opportunité de faire le point sur le chemin qu’il a parcouru…

Et si j’avais un conseil à vous donner, entrepreneurs et futurs entrepreneurs, ce serait celui de Steve Jobs : “ Stay hungry, stay foolish, have courage, heart and intuition”, et le monde vous appartiendra.

Rédactrice chez Tactill